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DelphSei - les riches heures
12 mars 2008

Zizek : Robespierre, entre vertu et terreur

Accès à internet aléatoire en ce moment, alors pour vous faire patienter, quelques notes sur un bouquin de Slavoj Zizek, prises à la va-vite (par exemple, il faut que je retrouve les n° de page !)


De la politique ou plutôt une éthique fondée sur l’esthétique ?

 

Une fascination pour une violence qui n’est jamais définie : quelle violence ?  – la référence à Robespierre renvoyant essentiellement à l’usage de la guillotine, à commencer par la mort de Louis XVI –

Zizek critique le refus « humaniste » de toute violence, mais aussi d’un usage utilitariste de la violence. Il semble prendre la violence comme synonyme de l’irruption de l’événement, du nouveau – et pas à n’importe quel événement, mais à cet événement particulier, par on ne sait quelle équation, car ça n’est jamais explicité, qu’est l’accès des sans-parts au partage des biens (biens matériels et symboliques) à commencer par une place dans la communauté politique.

 

Je ne suis pas séduite par le couple vertu-violence, qui ouvre la porte à tous les débordements sous le masque porté par tous les fanatismes vertu-vérité-pureté. Je lui trouve bien plus pertinent le couple justice-force dont la tension est sublimement mise en scène par Pascal (sublimement est bien un adjectif esthétique, et j’admire d’un point de vue esthético-technique la force de ce fragments des Pensées qui dit tant en si peu de mots, qui manifeste rigueur et puissance du raisonnement)que Z paraphrase p.  

En l’occurrence, substituer à justice-force le couple vertu-violence est certainement parfaitement conscient et dénué de naïveté, mais pervertit la pensée de Pascal, et lui fait perdre son génie. La vertu n’est pas porteuse de la référence à l’égalité, à la règle à laquelle tous sont soumis, mais reste valeur individuelle. La justice est une valeur bien plus laïque que la vertu, elle n’a pas besoin de se référer à une dimension transcendante, elle n’est pas intérieure à l’individu et le dépassant, la justice est entre les hommes. La force n’apparaît pas immédiatement sous sa face négative qu’est la violence, « négativité » renversée par Zizek en séduction. Mais peut-être peut-on effectivement souscrire au remplacement de la « force » par la « violence » ? La violence, usage débordant, démesuré de la force – ou au contraire, dimension inhérente à la force, à assumer. Poser la question de la légitimité de la violence – ou de son sens, et ne pas chercher à masquer la violence de la force en lui préférant le terme force.

Z reste imprécis sur les enjeux du politique – ce n’est que bien tard qu’il fait référence à l’accès des sans-parts à la communauté politique/la distribution des bien – sans faire seulement référence à Rancière (La Mésente, Aux bords du politique).

La première moitié du texte reste panégyrique de la violence et de Robespierre, de l’acceptation de sa propre mort comme préalable à l’action – est-ce suffisant comme contenu de l’action ? Il pourrait être défendu qu’agir vraiment, c’est être prêt à risquer le plus précieux, sauf à rester enfermé dans les cadres antérieurs, prisonniers des croyances et des déterminismes actuels, et s’empêcher d’ouvrir sur aucun commencement. Mais ça reste relativement abstrait, et est encore déconnecté de tout but/principe/enjeu/fin. On peut aussi risquer sa vie pour des intérêts particuliers, personnels ou d’un groupe – retrouve-t-on la même dimension de « sublime » ?

Il me semble que le monde sublunaire n’est pas le lieu de la vérité, et qu’affirmer la détenir est dangereux politiquement, lourd de menaces pour ceux qui ne la partageraient pas. Je reste sans doute très arendtienne en cela (espace public comme espace d’expression de la pluralité des points de vue) – de la même façon que la vertu ne me semble pas un bon fondement de la légitimité de l’action politique, principalement par sa dimension auto-référentielle : c’est bien parce que c’est bien, c’est légitime parce que c’est vertueux. Cela n’exclut pas des affirmations, des jugements, des prises de position et de parti. Mais qu’on ne peut pas a priori se prévaloir du vrai et du bien, qu’on peut être interpellé sur ses actes.

Sur ce point, les réflexions de Z sur la responsabilité sont intéressantes : il veut sauver la vertu, sans se référer à une autorité transcendante, reprenant la proposition de Lacan « Il n’y a pas de « grand Autre ». Je ne sais pas si c’est tenable au-delà de l’esquive face aux critiques qu’on ne peut manquer de lui faire (et moi-même la première, voir ci-dessus) devant sa réhabilitation de la vertu.

En tout cas, ça me semble un postulat pertinent pour aborder les choses de ce monde, et la question pour chacun de sa propre responsabilité : impossible de se dissimuler derrière… rien.

A la fin, il reste la question : quelle violence ? Et si la question « pour quoi » est refusé au nom du mépris d’un utilitarisme de la violence (un peu faible), la question « pourquoi » demeure. Ce d’autant qu’il semble repousser une remise en cause institutionnelle ! Qui verrouille et reverrouille l’accès des sans-parts au partage commun.

 

On reste sur notre faim : ni analyse du partage et des mécanismes d’exclusion des sans-parts, ni explicitation de ce qu’il entend par violence et vertu, pas de projet politique… Allusionnisme aigu.

 

Relire plutôt La mésentente de Rancière (ressorti je crois en livre de poche).

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DelphSei - les riches heures
  • Des corps dansants, heureux ou fatigués, des gribouillis dans les marges des cahiers, sur des bouts de journaux, des photos, dessins au bic, crayon, encre ou brou de noix... Un peu de texte aussi : je vous le mets quand même ?
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