En retard
Ça veut dire quoi, être en retard ?
Certes, il y a celui qui se soucie peu de vous faire attendre. Mais retardataire chronique, j'ai peut-être l'aveuglement de croire que je n'y suis pas indifférente.
Le temps est une chose bien mystérieuse. Il passe vite, il passe lentement. Comment prévoir le temps de préparation, le temps de transport, sans prendre une marge très importante ? En fait, arriver à l’heure m’angoisse. Arriver en avance, pire encore. Peut-être qu’il m’est difficile d’être hors de ma place : attendre sur une place, être vue en train d’attendre. Etre là, sans rien faire. Sans aucune explication. Les gens qui vous regardent bizarrement. « Qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il a ? Qui c’est celui-là ? » Etre celui qui attend, au yeux des autres. Attendre, c’est dépendre ? ça n'est sans doute pas la bonne manière de se représenter les choses.
Et puis, du coup, ça veut dire quoi arriver en retard ? Obliger l’autre à attendre, à être dans cette position inconfortable ?
Mais quand j’attends, j’ai peur de mille choses : qu’on se soit mal compris, qu’il soit arrivé quelque chose à l’autre, qu’il n’arrive jamais. Je suis tellement soulagée quand l’autre arrive enfin ! Il a pu me faire attendre longtemps, je ne suis pas fâchée. Il ne s’est pas fait écraser, il n’est pas en train de m’attendre ailleurs, un autre jour, à une autre heure, il ne s’est pas dit qu’il avait finalement mieux à faire.
C’est un peu miraculeux un rendez-vous. On s’est dit qu’on serait là, latitude, longitude, telle heure de telle jour, tout ça dans le futur.
Le temps coule, tantôt vite, tantôt lentement. De temps en temps, on en perd conscience : on s’endort, on rêve éveillé, on s’absorbe dans une tâche. Et quelle heure est-il quand tout à coup on émerge ? Quel réveil ne faillit pas ? Quel obscur sablier interne compte les grains qui filent de l’autre côté, qui fait que, malgré tout, souvent on pense à regarder l’horloge à temps ?
(texte écrit il y a quelque temps déjà, et remanié)